L’eau potable à Diagambal au Sénégal, un projet CERADS qui se poursuit
Raison d’être de ce projet
Diagambal est un village de 2 350 âmes environ situé dans le delta du Sénégal à 50 km environ au nord est de la ville de St Louis, en bordure de la route nationale et non loin du centre industriel de Ross Bethio ; d’autres villages importants sont à proximité : N’Gomen, Mbodienne, Pont Gendarme… habités par des peulhs sédentarisés ; ces derniers viennent de créer une nouvelle agglomération de plus de 2 000 âmes à 4 km, dit « Village Peulh ».
Dans cette zone alluviale plate, soumise jusqu’à peu de temps à la remontée d’eaux salées, il n’y pas d’eau potable souterraines, et les femmes devaient aller quatre fois par jour puiser une eau loin d’être propre à 2 km dans un bras du Fleuve Sénégal, le marigot du Lampsar bordé d’espaces boueux et donc source de bilharziose, d’où le but du projet :
Eviter aux femmes ces trajets fatigants et surtout leur donner de l’eau propre
Principe du projet
L’eau de la nappe phréatique est salée et ne peut être utilisée ; il faut donc prendre l’eau de surface, celle du marigot du Lampsar, la transformer en eau propre, la transporter en quantité suffisante suivant les normes de l’OMS (40 l/h/j) et la distribuer aux habitants.
Il s’agissait donc dès le départ de réaliser une station de traitement adaptée à la situation.
Première réalisation en 1993/95
Une première tranche de travaux a été entreprise par le CERADS de 1993 à 1995 avec les concours financiers du SEDIF -Syndicat des Eaux d’Ile de France- (130 M CFA) et de Plan International (30 M F CFA) ainsi que l’appui des autorités sénégalaise –notamment pour l’électrification- : l’eau du marigot est captée, pompée, décantée, stérilisée au chlore, puis amenée dans un réservoir et distribuée dans les villages de Diagambal et de N’Gomen (2 000 habitants), soit un ratio initial de 80 000 F CFA ( 120 €) par habitant desservi.
Gestion par les villageois
A l’initiative du CERADS, un comité de gestion villageois a été créé, dit syndicat de Takk Gan, associant les jeunes, la matrone et un membre de chaque quartier ; le prix de l’eau a été fixé à 15 FCFA la bassine de 20 l aux bornes fontaines, soit 750 F au m3, environ 1,20 €. En 2002 une mission d’évaluation CERADS a pu constater que l’ensemble fonctionne convenablement, avec une gestion locale et des livres comptables tenus par quartiers. L’école, la mosquée et la case santé sont aussi desservies par un robinet. A ce jour, au dire des bénéficiaires du projet, il est ressorti que :
- Les dysenteries ont pratiquement disparu, les effets de la bilharziose (urines sanguinolentes) sont bien moins apparents -surtout chez les petits-, les gens sont plus aimables…
- De plus les femmes vivant dans ces villages se sont organisées en une Fédération rassemblant 1 257 membres en 63 groupements avec un capital de 2 millions de FCFA utilisés pour des activités productives de maraichage et d’élevage. la population s’est engagée à consacrer à l’eau une part du budget familial
Réalisation 2003 – 2004
Sur financement du SEDIF , à hauteur de 58 000 €, la station de traitement de Diagambal a été achevée avec son dispositif de décantation – floculation – filtration – désinfection de 250 m3 / jour, soit de quoi alimenter plus de 6 000 âmes.
En 2004 la consommation moyenne ne s’est élevée en moyenne qu’à 10 m3 jour, soit à peine 5 % de la capacité de la station, dont il importe de promouvoir une gestion technique économiquement équilibrée, étant entendu que :
- le coût marginal de l’eau reste peu élevé : eau brute 22 FCFA / m3, eau traitée 83 FCFA / m3, à comparer au prix de vente « à la bassine » de 750 F CFA par m3
- les provisions calculées pour frais de maintenance et de renouvellement sont importantes, de l’ordre de 60 000 F CFA/jour.
Evaluation-audit externe en 2005 de l’exploitation des installations
Elle a été menée au début 2005, sous la direction d’Ibrahima Lô, socio-économiste sénégalais de l’Ecole d’Agriculture de Thiès accompagné par Eugène Ndione, et en voici quelques éléments issus de son analyse de la situation :
- La consommation d’eau varie fortement suivant que le canal d’irrigation de la SAED est ouvert ou non .
- En période de consommation forte du 1er au 18 février 2005 la production d’eau s’est élévée en moyenne 22 m3 d’eau par jour, soit 150 m3 pour une période de deux semaines, les versements par les fontainiers des fonds collectés étant de 80 000 F , correspondant à la valeur de 110 m3 d’eau, la différence avec les 150 m3 produits correspondant à des pertes ainsi qu’au branchement gratuit de la mosquée .
- En période de faible consommation (décembre 2004), la production n’est en moyenne que de 11 m3 par jour, les bornes fontaines n’étant sollicitées que pour l’eau de boisson.
- A partir de ces éléments on peut estimer les recettes annuelles à environ 1.500 00 F pour des charges annuelles de 1 300 000 F (salaires et rémunération fontainiers 900 000, électricité 200 000, produits 200 000), sans amortissements qui devraient s’élever suivant les normes reconnues à plus de 20 M F CFA par an.
De ses conclusions ressortent plus particulièrement quelques points :
- L’usine fonctionne normalement, mais est sous exploitée, d’où la nécessité de :
- Etendre la distribution d’eau aux populations environnantes,
- Valoriser les surplus d’eau par des activités de jardinage, voire d’irrigation agricole
- L’absence de compteurs et la multiplicité des organismes ne travaillant pas en synergie ne facilite pas la gestion ; en effet les femmes et les jeunes sont relégués au second plan, les hommes âgés ayant monopolisé le syndicat.
- Des propositions sont formulées :
- Sensibilisation des villageois aux dangers d’utilisation d’eau non potable
- Formation aux techniques de suivi de la qualité de l’eau, de maintenance et de gestion financière
- Vente de l’eau au volume, avec branchements munis de compteurs,
- Extension de la distribution aux villages voisins et développement d’autres usages de l’eau
- Responsabilisation des personnes chargées de la gestion et dotation aux amortissements.
- Améliorations ponctuelles des équipements suivant recommandations des exploitants
Situation début 2007
Les financements envisagés pour l’extension de la distribution aux villages de Mbodienne et Pont Gendarme (près de 300 000 €) n’ont pas été mobilisés, car lors d’une mission courant 2006, il a été appris des autorités sénégalaises que, sur le modèle de Diagambal, près de 10 installations sont programmées pour desservir 52 villages du delta du Sénégal, pour un montant de 8 millions d’euros financés par la Banque Islamique de Développement.
Durant l’été 2006, deux villageois ont été sélectionnés en lien avec les autorités locales, Fatou Mbodji et Papa Diafour Ngome, en vue d’assurer la gestion administrative, financière et technique du projet après une formation dispensée par les organismes nationaux en place.
Pendant le 1er semestre 2007, trois missions Cerads sont prévues pour finaliser ce projet :
- Février 2007 – Marc Verwilghen et Elie Chambault,
- reprise de contacts avec le syndicat de Takk Gan et la coopérative féminine ;
- nombreuses rencontres à Dakar, St Louis, Diagambal et villages voisins
- Formation des personnes sélectionnées : en cours en lien avec le laboratoire de St Louis, un suivi étant assuré par Eugène Ndione, correspondant au Sénégal.
- Examen de la demande de microcrédit par les associations féminines, à honorer à hauteur de 1 000 €, ainsi que du souhait des instituteurs de raccordement électrique, de jumelage avec écoles françaises pour échanges, acquisition de livres de lecture nationaux et constitution de petites bibliothèques ;
- Organisation en France d’une journée festive de plein air avec si possible cuisine et animation africaine .
- Fin mars 2007, mission technique de Gérard Benoît afin de :
- Réceptionner les installations avec remise des documents : description des installations, maintenance, gestion
- Prévoir une desserte gravitaire du village Peulh : 30 à 50 m3/jour à 3 km
- Définir les instructions à donner aux responsables techniques et administratifs.
- Mai-juin 2007 –Kalidou Ba et Dominique Peter aux fins de :
- Constater le fonctionnement technique et administratif des installations d’eau potable : Rendement en station et en distribution, qualité de l’eau, perception des redevances, établissement des budgets, contractualisation des actions
- Examiner l’insertion du projet dans les programmes nationaux sénégalais d’équipement et d’exploitation : caractéristiques, tarification, maintenance…
- Envisager des concours possibles du Cerads en matière d’ingéniérie et d’appui à d’autres projets de la zone du delta du Fleuve Sénégal, au Sénégal et en Mauritanie , en lien avec Solidarité Eau et Aquassistance .
Des contacts sont également poursuivis en France :
- Siahvy et Sedif : en vue de formation, achat de matériels spécialisés, missions techniques, jumelages
- Gret et Farm : Appui technique à la maintenance, développement agricole et social,
- Caisse de solidarité des agences de voyage pour volet éthique : collecte de fonds au profit du Cerads.