Dix principes pour préserver la ressource en eau des îles du Saloum
- 1er principe
- 2ème principe
- 3ème principe
- 4ème principe
- 5ème principe
- 6ème principe
- 7ème principe
- 8ème principe
- 9ème principe
- 10ème principe
La vie sur les îles s’est développée grâce à des lentilles d’eau douce superficielles ; ces lentilles y constitueront encore pendant longtemps la seule ressource directe d’eau douce.
Une lentille d’eau douce est constituée d’une mince couche d’eau douce flottant sur de l’eau salée imprégnant les sables ; son épaisseur va de zéro au niveau de la mer ou des tans, à quelques mètres au centre des îles (schéma n°1)
Tout abaissement du niveau de l’eau douce dans les puits sous le niveau (moyen) de la mer tend à faire remonter le niveau de l’eau salée. Plus cet abaissement est important et de longue durée, plus la remontée de l’eau salée vers le fond des puits est importante (schéma n°2).
Lorsque l’eau salée a contaminé par sa remontée un puits ou, pire, un secteur donné de l’île, il est pratiquement impossible de la chasser (c’est un phénomène plus ou moins irréversible).
Les lentilles d’eau doivent donc être exploitées par des puits peu profonds, et ne s’enfonçant pas, ou très peu, sous le niveau de la mer ; on appelle ce type d’exploitation « écrémage » (schéma 3) .
Les prélèvements ne doivent pas être concentrés sur des zones restreintes, mais étalés dans l’espace. Il est donc souhaitable de multiplier le nombre des puits (selon une maille à définir), en les répartissant sur l’ensemble de la lentille, en particulier dans les zones centrales de l’île où elle est plus épaisse.
Pour éviter la remontée du sel, il faut limiter au maximum l’abaissement du niveau sous l’effet des prélèvements.
La spécialisation de puits, ou mieux de groupes de puits, pour les différents usages (boisson, cuisine, lessive, arrosage) selon la salinité de l’eau, déjà en vigueur, est une bonne pratique à développer et organiser.
La mise en réserve de puits, ou de zones favorables, en prévision de la période sèche, semble-t-il déjà également pratiquée, est de même une excellente méthode à développer et organiser.
Les puits salés, ou pollués par des déchets, de même que les excavations ouvertes pour extraire le sable, au fond desquelles affleure le niveau de la nappe en période de hautes eaux, peuvent être facilement rebouchés (après nettoyage).
La gestion de l’eau est l’affaire de tous, mais elle peut être facilitée par la création et la formation d’une petite « brigade des puits ». La clef d’une bonne gestion est la compréhension des phénomènes : ceux-ci étant complexes, il convient, parallèlement à la mise en place de premières mesures, d’améliorer les connaissances sur les lentilles et de les vulgariser auprès de la population. L’objectif est la création d’une véritable adduction d’eau, qui pourra dégager le temps des femmes qui tirent l’eau et des enfants qui la distribuent, tout en assurant la salubrité.
Explications, nuances, schémas explicatifs
1 / La nappe profonde (celle du Maestrichtien, vers 300 m de profondeur) est trop salée pour la boisson et peu abondante dans la région. Les autres nappes intercalées sont sursalées. Les transferts d’eau douce à partir du continent (projets Ndiosmone-Palmarin ou projet PNUD Sokone) sont aléatoires, d’une part pour des raisons de coût, d’autre part parce que les ressources risquent de ne pas être à la hauteur des besoins. Seul le dessalement de l’eau de mer, quand des avancées technologiques auront permis d’en abaisser le coût, pourra constituer une véritable alternative aux lentilles, ou plutôt un complément à celles-ci.
2 / En fait le sous-sol des îles n’est pas que sableux, il s’y intercale des couches d’argile, plus ou moins salées, des croûtes calcaires, qui compliquent la structure. Mais l’allure générale est la suivante :
les lentilles sont rechargées chaque année par les pluies de l’hivernage. Elles se vidangent ensuite (au moins partiellement) par écoulement vers les bordures et prélèvement, d’abord par la végétation , ensuite par les puisages.
3 / Il est en fait possible de repousser artificiellement le sel mais ceci nécessite beaucoup de temps et de gros moyens.
4 / En bordure de mer, les puits ne doivent impérativement pas s’enfoncer sous le niveau de la mer ; dans les zones centrales où les lentilles sont suffisamment épaisses (plus de 3m), il est peut-être possible de descendre à – 0.5 m, voire – 1 mètre
5 / L’espacement des captages est à étudier en fonction de la perméabilité du terrain, mais il semble à première vue qu’une distance minimale d’au moins 20-25 m soit à respecter.
6 / Pour limiter l’abaissement du niveau des puits, il faut :
- diminuer les débits prélevés, en n’utilisant que du puisage manuel ou des pompes à faible débit (qu’elles soient à motricité humaine ou mécanisées),
- éviter les pompages ponctuels intenses sur les puits, en étalant la durée des pompages (ce qui nécessitera à terme la mécanisation du pompage),
- contrôler le niveau de l’eau dans les puits pour éviter de l’abaisser en dessous d’ un niveau critique ; la définition de ce niveau critique dans les puits nécessitera de les niveler altimétriquement (avec référence au niveau moyen de la mer) ; une fois défini, ce niveau critique pourra être matérialisé par une marque claire inscrite ou fichée sur la paroi du puits.
7 / Réserver les puits à eau douce (conductivité < 700 microS) pour la boisson), ceux un peu plus salés (entre 700 et 1400 microS) pour la cuisine, la lessive et l’arrosage des cultures sensibles, ceux encore plus salés (entre 1400 et 2000 microS pour l’arrosage de cultures tolérantes et l’alimentation du bétail), enfin proscrire tout prélèvement, sauf exceptionnel, dans les puits plus salés
8 / Il s’agirait de définir des zones où l’on exploitera l’eau d’octobre à février, et d’en réserver d’autres pour la période de mars à juin ; de juillet à septembre, on utiliserait préférentiellement l’eau de pluie ; la collecte et le stockage de l’eau de pluie constituent d’ailleurs une piste de réflexion à creuser rapidement
9 / Puits abandonnés et excavations entraînent en effet des pertes d’eau par évaporation et sont des points de pollution de la nappe, à partir desquels elle risque de se contaminer : ils devraient être nettoyés, puis rebouchés.
10 / Cette « brigade des puits », constituée de deux ou trois personnes serait formée pour effectuer des mesures simples de surveillance des niveaux et des salinités, et organiser en conséquence la pratique des prélèvements. Parallèlement, l’inventaire des points d’eau pourrait être étendu, et une étude visant à préciser les connaissances sur l’alimentation de la lentille, ses secteurs favorables à protéger,…pourrait être réalisée.
Ceci devrait permettre de mettre en place à moyen terme une véritable adduction d’eau potable, basée sur des champs captants de puits, mini-forages ou galeries draînantes, refoulant vers un ou des réservoirs, puis vers un réseau desservant le village. Ces champs captants seraient étroitement surveillés (niveaux, salinités, débits), et entourés de périmètres de protection clos pour en assurer la préservation.