1 / Objectifs du stage :

  • Faire un point sur les différentes unités de production de charbons de bois alternatifs mises en œuvre dans la région de St Louis (matériaux utilisés, modes opératoires, productions, difficultés et perspectives)
  • Effectuer une analyse comparée des points de vue des ménagères utilisatrices de ces combustibles.

ustensiles

2 / Entretiens

2.1- BRADES (Saint Louis, M. Diarra) Cette petite entreprise familiale fabrique du charbon de bois à partir de résidus de charbon de bois collectés dans les parcs de stockage, mélangés avec de l’argile et de l’eau. Le mélange est ensuite aggloméré sous forme de briquettes par une presse (presse manuelle au début, maintenant relayée par une presse mécanisée). Le produit est ensuite séché et emballé dans des sachets de papier confectionnés par l’entreprise à partir de sacs de ciment. Le BRADES, qui bénéficie de l’aide du PERACOD, a investi de notables efforts dans le domaine de la promotion du biocharbon auprès des populations. Son produit est commercialisé au prix de 150 FCFA/ Kg.

2.2 – Pro-Natura International ( Ross-Béthio, parc de la SAED, responsable local M. N’diaye) Cette ONG Franco-brésilienne a développé à Ross-Béthio une machine Pyro-6f, qui fonctionne depuis 2007. Le Pyro-6f est un pyrolyseur innovant qui permet de produire du charbon vert à partir de biomasse renouvelable : balle de riz, typha ou tout autre résidu agricole suffisamment sec. La biomasse est broyée et injectée dans le Pyro-6f qui réalise une carbonisation continue à 500°C sans émettre de gaz à effet de serre. Ensuite, les gaz de pyrolyse sont recyclés pour maintenir la haute température dans la chambre de combustion, ce qui rend le processus autonome dès que le préchauffage est terminé. Enfin, après le refroidissement de la poudre de charbon vert, celle-ci est mélangée à un liant naturel (argile, farine de mil…) puis compactée sous forme de briquettes ou boulettes prêtes à être utilisées dans des foyers de cuisson traditionnels juste après séchage. La production escomptée, à partir d’un mélange typha/balle de riz ou de typha seul pourrait atteindre dix tonnes de charbon vert par an. Il y a eu des essais de commercialisation (au site de production, à Ross Béthio, …), mais le produit est toujours en phase de test et est actuellement distribué aux populations pour un sondage d’opinion.

Note du CERADS : il s’agit en effet d’une technique innovatrice et performante, dont le principal avantage est le recyclage des gaz de pyrolyse, qui génère un important crédit carbone, permettant à lui seul de financer les investissements initiaux. Par contre, le projet nécessite, au moins jusqu’à présent, un fonctionnement de type industriel (en 3x8h ou au pire 2x8h), pratique difficile à introduire en milieu rural. Il se heurte jusqu’à présent à d’importantes difficultés d’organisation, depuis la coupe du typha jusqu’à la commercialisation.

2.3 – Bio-Terre ( Ross Béthio, parc de la SAED, responsable local M.Fall) Ce projet de la coopération sénégalo-belge bénéficie également de l’appui de la SAED, du ministre de l’énergie et d’autres partenaires privés. Il a été lancé en 2004/05, puis relancé en 2007. On utilise, pour la fabrication du biocharbon, la balle de riz, l’argile et l’eau, dans des proportions qui ne sont pas encore fixées de façon définitive, car le projet se considère encore en phase d’essai. La Direction ne souhaite pas non plus s’avancer sur un chiffre de production annuelle du biocharbon. La vente s’effectue à Ross-Béthio à l’unité de production même, dans quelques points de vente alentour, et même jusqu’à Saint Louis (2 points de vente). Il y a également des livraisons à domicile des ménagères dans le village. Il est prévu d’élargir le champ à d’ autres villages un peu éloignés pour promouvoir le produit.

2.4 – PERACOD (Richard Toll) Le PERACOD (Programme de Promotion de l’Electrification Rurale et de l’ Approvision-nement durable en Combustibles Domestiques), développé avec l’aide de la coopération technique allemande (GTZ) a créé une branche « Combustibles Domestiques Alternatifs » (CDA). Parallèlement à son partenariat avec le BRADES, le PERACOD a développé en 2006 une unité de production de biocharbon à partir de typha, plante envahissante qui pousse dans les eaux du fleuve Sénégal. Cette unité utilise une technologie simple pouvant être répliquée à grande échelle en milieu rural. Elle a une capacité de production de 120kg par jour et par unité de production. Le produit, fabriqué dans la banlieue de Richard Toll, est transporté en ville et fourni aux femmes d’une fédération qui compte une vingtaine de GIE. Chaque présidente de groupement se procure une quantité du produit qu’elle distribuera par pot aux femmes membres du GIE pour l’achat. Le PERACOD a organisé avec la fédération des journées de démonstration culinaire pour présenter le produit aux femmes, qui, à leur tour, le promeuvent à l’occasion de diverses manifestations.

Note du CERADS : la technologie mise en place est la technique artisanale « 3 fûts », mise au point au Mali, avec agglomération à la main par « Rotor Press ». Le point faible du produit reste son agglomération mal maîtrisée, qui conduit peut-être à un pourcentage d’argile trop élevé réduisant les performances culinaires. Le produit est considéré comme difficile à transporter et stocker du fait de sa grande friabilité. Le CERADS a signé en avril 2009 un protocole d’accord avec le PERACOD et la mutuelle TAK GAN (village de DIAGAMBAL) visant à la création d’une nouvelle unité de production à Pont Gendarme.

2.5 – Commentaire sur les entretiens: Toutes les unités de production des combustibles domestiques alternatives précitées ont rencontré des difficultés lors de leur phase de test des briquettes ou boulettes, difficultés liées le plus souvent à la production d’un produit de qualité suffisante et stable.

3 / L’enquête Elle a porté sur un échantillon de 70 ménagères, réparties comme suit :

  • trente (30) à Saint Louis, utilisant le charbon reconstitué de l’entreprise BRADES (les 2/3 des femmes utilisent ce charbon depuis plus de 1 an)
  • dix (10) à Diagambal, village proche de Ross Béthio, pour une première utilisation du charbon BRADES (qui leur a été distribué pour l’occasion)
  • dix (10) à Ross-Bethio, utilisatrices régulières (50 % depuis au moins 2 ans) de l’écocharbon Bio-Terre (ou du charbon vert Pro-Natura)
  • vingt (20) à Richard-Toll, utilisatrices occasionnelles du biocharbon du PERACOD, parfois depuis 1 ou 2 ans, au gré des livraisons très irrégulières.

4 / Conclusions

On constate une assez bonne acceptabilité d’ensemble, avec cependant des disparités notables d’un produit à l’autre. La qualité est considérée comme correcte pour le charbon BRADES et le BioTerre, comme insuffisante et à améliorer pour le biocharbon de typha PERACOD. Certains points sont soulignés unanimement : positifs, comme l’allumage relativement facile, le bon pouvoir calorifique et la durée des braises, ou négatifs comme la nécessité de ventiler et la production abondante de cendres.

Trois questions centrales émergent :

  • La disponibilité des produits : ils sont fréquemment utilisés et achetés sur une base quotidienne là où ils sont disponibles (St Louis) ; il n’y a pas alors de problèmes de stockage. Ils ne le sont que plus rarement, et achetés alors sur une base hebdomadaire ou mensuelle, là où ils sont commercialisés plus épisodiquement, ce qui peut poser des problèmes de stockage (Ross Béthio) ; il semble donc bien que la diffusion des produits soit freinée par leur disponibilité.
  • La question de l’adaptation des fourneaux à ces combustibles alternatifs : l’acceptation de nouveaux modèles de fourneaux (types Diambar ou « amélioré Bio-Terre ») ne semble pas évidente ; il est significatif qu’à Ross Bethio certaines femmes aient jugé préférable d’améliorer le combustible plutôt que le fourneau…
  • Les prix de vente, qui ne sont pas toujours perçus comme suffisamment attractifs par rapport aux combustibles traditionnels.

Les produits sont utilisés essentiellement pour la cuisine, le thé, l’encens. Ils ne le sont généralement pas pour le repassage, car les cendres salissent le linge. Les possibilités d’utilisation artisanale (restaurants, boulangeries) ou semi-industrielles n’ont pas pu être analysées sérieusement faute d’une enquête ciblée sur ce domaine.

Note du CERADS Malgré une bonne acceptabilité d’ensemble, et déjà quelques percées ici ou là, ces combustibles alternatifs n’ont pas encore atteint le stade de la « vraie grandeur », qui permettrait d’alléger de façon significative et durable la pression que fait peser l’approvisionnement en combustibles traditionnels (bois et charbon de bois) sur un milieu naturel de plus en plus dégradé.

A cela plusieurs causes :

  • des qualités de produits restant probablement à améliorer (notamment pour le biocharbon PERACOD) ;
  • une meilleure adéquation à rechercher avec les fourneaux (l’enquête n’apporte pas de réponse claire sur ce point) ; un approfondissement de la question, élargie à d’autres types de foyers déjà testés dans des études antérieures (PERACOD, CERER,…) paraît nécessaire ;
  • et bien sûr le poids des traditions (pour les combustibles, comme pour le choix de foyers et de méthodes appropriées), qui ne pourra reculer définitivement que le jour où ces produits seront accessibles partout à des prix attractifs, de façon continue et avec une qualité stable.

Parallèlement à la poursuite des efforts techniques (compactage, fourneaux), la difficulté semble résider dans le paradoxe suivant : comment mieux organiser et rendre définitivement opérationnelles des filières complètes, allant de la collecte des produits (notamment la difficile coupe du typha) à une commercialisation de plus en plus étendue, sans augmenter un prix de vente déjà trop peu attractif… Peut-être y aura-t-il nécessité de continuer à subventionner ces produits jusqu’au passage attendu à un stade d’autonomie.