Le CERADS a été sollicité par le Directeur de l’école de Peulga, M. Malick Diakhaté  pour installer des W.C. alors inexistants dans l’école (ainsi que la disponibilité en eau potable). En conséquence, nous avons également été appelés à formuler des propositions en matière de traitement des eaux usées. C’est la description de la démarche menée qui fait l’objet de ce dossier.

 1-    Traitement des eaux usées en contexte difficile :

L’essentiel des recommandations techniques des ONG et des organismes de coopération en Afrique de l’Ouest concerne la mise en place de filières rudimentaires pour le traitement des eaux domestiques: fosse septique suivie d’une évacuation directe en puits d’infiltration (voir en § 2, examen bibliographique). On comprend bien que cette proposition basique répond essentiellement à des préoccupations de coût unitaire d’investissement, un coût faible étant censé favoriser une multiplication des investissements.

Outre le fait qu’une telle proposition technique est désormais illégale en France (DTU 64-1, Arrêté interministériel du 6 mai 1996) ainsi qu’en Droit européen, elle est aussi techniquement particulièrement inadaptée à certains des contextes géologiques et/ou hydrogéologiques du Sénégal.

En particulier, le CERADS travaille actuellement dans deux contextes qui interdisent à notre sens cette approche sommaire :

  • les zones littorales basses, à nappe très superficielle ; c’est le cas notamment des îles du Saloum, où la ressource en eau mobilisable se situe entre 1.50 et 4 mètres sous le niveau du terrain naturel (Bertrand Plus, hydrogéologue CERADS : Aperçu sur les ressources en eau des îles du Saloum). On imagine mal recommander d’injecter dans cet aquifère des effluents non traités, notamment vis-à-vis de leur charge en coliformes fécaux et matière organique.

  • les zones argileuses lourdes, dans lesquelle un puits d’infiltration est rigoureusement non fonctionnel. C’est le cas du présent projet de l’école de Peulga, qui pose de ce fait également d’autres contraintes constructives. Les argiles y sont « gonflantes », c’est-à-dire qu’elles présentent à la dessication de profondes fentes de retrait, pouvant atteindre un mètre de profondeur, puis un gonflement à l’humectation lors de la saison des pluies, faisant donc subir de fortes contraintes sur les bâtiments faute de fondations adaptées.

 latrines

Le CERADS a expérimenté un mode de résolution rustique de cette difficulté, présenté au chapitre 3, détail du projet.

Pour ces raisons, il nous est apparu nécessaire de mettre en place sur Peulga, des techniques mieux adaptées au contexte particulier, de ce fait innovantes dans le contexte sénégalais.

 2-    Examen bibliographique :

Documents examinés :

  • Pour une meilleure diffusion des ouvrages d’assainissement en milieu rural sahélien- Eau Vive – Mars 2010 – 74 p
  • Faciliter l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous –pS-Eau – Rapport d’activités 2010 – 38 p
  • Etude des conditions de diffusion d’ouvrages d’assainissement autonome en milieu rural sahélien – Pierre Texier – Agro Paris Tech/ENGREF Montpellier- Janvier 2009 – 18 p
  • Assurer l’assainissement pour tous. Arene IdF, pS-Eau, SIAAP – Avril 2009 – 31 p
  • L’assainissement dans les pays en développement, Arene IdF, pS-Eau – 23 p

Si les quatre premiers documents cités ont pour objet principal de constater que les OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) ne pourront pas être tenus, et de tenter d’apporter des réponses d’ordre organisationnel et institutionnel, ils n’apportent pas ou peu d’illustrations techniques à l’usage de maîtres d’œuvre opérationnels.

Le dernier document, cosigné par l’Agence Ile de France de l’environnement et des nouvelles énergies (ARENE) et le programme « Solidarité-Eau » (pS-Eau) consacre quelques lignes sur le champ des ouvrages possibles (p 12) selon les caractéristiques du terrain : tranchées d’épandage ou lit d’épandage en sol sableux, filtre à sable ou tertre d’infiltration, soit la palette des recommandations du Droit français. Aucune indication par contre sur les règles de dimensionnement, nécessairement à moduler pour des consommations quotidiennes d’eau qui passent de 150 litres par personne et par jour en France à 10 à 40 litres au Sahel.

Un large champ d’investigation et d’expérimentation reste donc ouvert aux praticiens : bureaux d’étude et maîtres d’œuvre, tant en terme d’expérimentation de filière technique que de choix de dimensionnement.

3-    Détail du projet :

3-1 : Contexte géologique 

Contexte d’argiles lourdes présentant de fortes contraintes mécaniques; fissuration à la dessiccation, gonflement à l’hydratation, provoquant des désordres sur les bâtiments.

Extrait de la carte géologique au 1 : 500 000 Secteur SW

Extrait de la carte géologique au 1 : 500 000 Secteur SW

Dans ce contexte, le CERADS a expérimenté une méthode rustique inspirée des Chinois : terrassement et décaissement de l’argile sur un mètre de profondeur, substitution par du sable tout-venant afin de poser les fondations sur un matériau stable et inerte. Les toilettes de l’école de Peulga ont été construites selon cette méthode.

Faute de perméabilité correcte, épandage de même que puits d’infiltration sont inadaptés. Reste la solution du filtre à sable, drainé. Mais il se pose le problème de la qualité du sable, qui doit être absolument dépourvu de calcaire pour permettre un fonctionnement pérenne. Un sable littoral coquillier est donc complètement exclu. Nous nous sommes tournés vers un sable d’origine basaltique présent dans les environs de Thiès, à une centaine de km du présent chantier, Les tests à l’acide acétique sont concluants. Mais la logistique d’approvisionnement est évidemment une première et peut constituer l’amorce d’une filière. La récupération et la valorisation des eaux filtrées est un second challenge. Dans le « paysage » hydraulique, le chantier est mal situé, à trop grande distance d’un oued. En accord avec Malick Diakhaté, le Directeur de l’école, nous avons retenu le principe d’un rejet des effluents filtrés en puisard, avec puisage régulier à la main par les enfants pour arrosage d’une plantation d’arbres dans la cour de l’école, dans le cadre d’un projet pédagogique et afin de dispenser enfin un ombrage dans la cour de l’école.

      3-3 : Choix de dimensionnement :

Dernier challenge : comment dimensionner ce filtre à sable dans un contexte d’absence absolue de données et références en milieu Sahélien collectif (à notre connaissance) ? L’école de Peulga accueille 160 enfants. En tablant sur une consommation unitaire de 50 litres d’eau (latrines, lavabo) par enfant –valeur très vraisemblablement surdimensionnée- au lieu de 150 dans les conditions françaises, on obtient une équivalence de 160/3 soit 53 E.U. (équivalent-usager).

 regardspeulga

Interviennent à ce stade les règles comportementales : un lieu de séjour sans hébergement (exemple : une usine sans cantine, vaut pour ¼ E.U.). Ce n’est pas  tout à fait exact car un repas est prévu sur place, mais évidemment, la collectivité  ne dispose pas de lave-vaisselle. Le dimensionnement retenu s’établirait donc à  53/4 = 13 E.U. équivalent en France à une maison d’habitation de 7 à 8 chambres, soit un filtre à sable de 45 à 50 m². Nous avons établi les devis sur  une  hypothèse de travail :

  • Fosse toutes eaux maçonnée de 8 m3
  • Filtre à sable basaltique de 50 m²

Évacuation des eaux filtrées : dans un puisard maçonné  L’eau sera puisée  manuellement régulièrement pour arrosage de plantations arbustives dans le périmètre de l’école.

4-    Volet éducatif 

  • Education à l’hygiène
  • Formation à l’entretien et la maintenance des lieux publics (des équipes devront être mises en place avec renouvellement, par exemple, hebdomadaire)
  • Education à l’entretien de plantations arbustives

Ce projet peut donc générer également un projet pédagogique, avec un transfert enfants/parents dans le domaine des règles d’hygiène et de préservation de l’environnement.

 5 – BUDGET

  • Réalisation de 4 box sanitaires            1 774 000 FCFA
  • Réalisation fosse septique 8 m3           1 168 500 FCFA
  • Filtre à sable basaltique 50 m²             1 391 000 FCFA
  • Réalisation puits                                            332 500 FCFA
  • Branchement en eau                                     180 000 FCFA

 TOTAL                                                         4 846 000 FCFA soit 7 400 €

Le montage financier pour cette opération a été aussi délicat que le montage technique : initié par le Tour Opérateur Mana Voyage, complété par une dotation du Crédit Agricole en faveur des micro-projets de solidarité, la seconde tranche a été assurée par EDDSICA Coubertin.