1/ Historique

Sinthiou Garba est un gros village de 11 000 habitants situé en bordure de la route nationale Saint Louis – Bakel, à une dizaine de Km au sud d’Ourossogui (région de Matam).

Le CERADS y intervient depuis 2008 dans le cadre de missions de maîtrise d’œuvre pour le compte des Lions Club.

Le programme achevé en 2010 comportait un volet « eau potable » (renforcement et extension de réseau) et un volet « création de périmètres maraîchers irrigués ». Deux petits périmètres ont été créés, l’un géré par un Groupement de production féminin (GPF), le second par l’association villageoise « Pellital », tous deux irrigués dans un premier temps avec l’eau du réseau d’eau potable. Très rapidement, nous avons été confrontés à deux problématiques :

a)    la recherche de ressources en eau indépendantes du réseau d’eau potable, qui puissent être dédiées à l’agriculture. Comme toutes les grosses localités de la région de Matam, Sinthiou Garba est alimenté par un forage profond (215 m), qui capte la nappe principale du Maestrichtien. En règle générale, l’utilisation de cette nappe pour l’irrigation est problématique, parce que sa vocation est d’être réservée pour l’eau potable et le pastoralisme. En outre, le forage de Sinthiou Garba est en mauvais état et en voie de surexploitation. Enfin, son eau renferme une concentration élevée en fer, ce qui la rend impropre à l’utilisation en micro irrigation.

Au dessus de cette nappe profonde, il existe plusieurs nappes superficielles, paradoxalement moins bien connues, mais traditionnellement exploitées par des puits. A Sinthiou Garba, les puits profonds d’une trentaine de mètres exploitent une nappe attribuée à l’Eocène, avec des résultats médiocres mais jugés suffisants pour l’alimentation de petits jardins.

Son exploitation fait l’objet d’un nouveau programme de creusement et de réhabilitation de puits, financé par la région Ile de France et les Lion’s Clubs, pour l’irrigation du périmètre GPF, en liaison avec l’association ADOS (Ardèche-Drôme Ouro Sogui), dépendant des deux conseils généraux cités.

Enfin, dans le lit d’un petit oued traversant le village existe également une petite nappe perchée, facile d’accès mais probablement locale et temporaire, dont l’étude fait l’objet d’une recherche de financement.

b)    La présence de fer, à des concentrations excessives, dans les eaux de la nappe profonde pose un problème général. Sans danger pour la consommation humaine, le fer est cependant indésirable dans les réseaux (d’eau potable comme d’irrigation), qu’il colmate rapidement. Sa précipitation, accélérée par des phénomènes bactériens, peut également affecter les forages et les colmater.

A l’occasion des travaux de renforcement, en 2010, de la conduite principale du réseau d’eau potable de Sinthiou Garba, l’équipe du CERADS a pu constater le niveau de colmatage de cette conduite par les oxydes ferriques. Nous avons pu alerter l’ONG Aquassistance, qui a mené en avril 2011 une mission de diagnostic de la qualité de l’eau du forage, et notamment de sa teneur en fer, mesurée de 0.5 à 7.5 mg/l selon les points de prélèvement. C’est le démarrage d’une prise de conscience de la problématique de fer dans la nappe du Maestrichtien, qui s’amplifie aujourd’hui dans les programmes menés par l’ONG ADOS.

Une étude générale portant sur l’ensemble des captages de la région de Matam est actuellement menée par ADOS. Ses résultats, attendus pour le début 2015, devraient permettre de définir en accord avec l’Administration une politique visant à développer une ou des stations pilotes de traitement sur les forages les plus touchés, voir en annexe:

document à lire et télécharger :

Le Fer dans les eaux souterraines Matam

2/ Ce qui a été réalisé :

2.1 / Travaux sur le réseau d’eau potable :

  • La pose d’un relais de sécurité et accessoires dans le coffret électrique de commande du forage,
  • La pose de 300 ml de canalisations PVC de diamètre 110,
  • La pose de 880 ml de canalisation PVC de diamètre 63,
  • La réalisation d’un branchement de 50 ml pour le collège,
  • La réalisation de 10 reports de branchements individuels sur la nouvelle canalisation de diamètre 110,
  • Le raccordement de 2 canalisations de diamètre 110 et 90 sur la nouvelle canalisation.

2.2 / Mise en place et équipement de deux périmètres irrigués :

Deux périmètres ont été aménagés et équipés en irrigation goutte à goutte à la sortie de l’hivernage 2010 :

Le périmètre féminin (GPF) : celui-ci a été clôturé par ADOS sur sa surface totale d’environ 1 ha et a été cultivé, jusqu’ici très partiellement, avec l’eau du forage et, sporadiquement depuis 2013, avec celle du puits ADOS.

Les légumes cultivés sont les aubergines, les oignons, le gombo, la salade, les choux et le piment.

La production a été utilisée principalement par les femmes pour les repas de tous les jours de la famille.

goutte à goutte

perimetre feminin

Une vingtaine de femmes ont aussi vendu une partie de leur production pouvant rapporter jusqu’à 500 FCFA par jour.

Les difficultés rencontrées par les femmes sont :

  • Le coût élevé de l’eau : certaines d’entre elles ont du réduire la surface de leur culture,
  • L’achat de produits insecticide tous les mois pour lutter contre les insectes et les parasites,
  • La clôture qui n’est pas étanche.

Le périmètre collectif PELLITAL : Au centre du village, un ancien périmètre maraîcher de 1500 m2 qui était abandonné a été réalisé directement par les villageois pour le défrichage, dessouchage, nivellement et clôture. Il est géré par l’association PELLITAL.

Deux conclusions pour cette première opération, menée, il faut l’avouer, avec une certaine hâte, compte tenu des délais impératifs des bailleurs :

poivrons

  • Utiliser le réseau d’eau potable pour irriguer des jardins, n’est pas raisonnable, à deux titres : le coût induit, et la qualité inadaptée (le fer) de la ressource.
  • Le diagnostic précisé à cette occasion, de la trop forte concentration en fer, localement, dans les eaux des forages du Maestrichtien, qui va exiger une meilleure compréhension du problème, et rechercher des solutions techniques appropriées au contexte socio-économique.

Ces constats ont donc guidé la démarche actuelle du CERADS pour cette zone du Sénégal :

  • S’affranchir des ressources en eau potable, et mobiliser des ressources spécifiques, en zone de Diéri, pour les usages d’irrigation.
  • Développer une expertise sur le diagnostic et le traitement du fer dans la nappe du Maestrichtien dans le Fouta.

2.3 / Programme de creusement et de réhabilitation de puits

a/ Puits P3

En 2012 / 2013, ADOS a entrepris la  construction d’un puits (P3) à l’intérieur du périmètre. Les travaux, compliqués par la dureté du terrain et l’inexpérience des entreprises successives, ont duré environ 1 an. Le puits a été finalement réceptionné et testé en janvier 2013, avec une profondeur de 32.60, une hauteur d’eau de 4.80 m, et une production estimée de 10 à 15 m3/j.

En février 2013, soit après seulement 1.5 mois d’exploitation manuelle, le cuvelage s’est  détérioré entre 12 et 15 m de profondeur, du fait de l’existence à ce niveau d’un banc d’argile gonflante (également responsable du défoncement du cuvelage des deux autres puits). Les femmes ont dû alors abandonner le puisage (jusqu’à l’opération de rénovation décrite ci-dessous.

En octobre 2013, le CERADS a repris ce puits, sous financement de la région Ile-de-France. Les travaux ont consisté, d’abord en une reprise du cuvelage, ensuite en un approfondissement qui n’a malheureusement pas pu être mené à son terme, du fait de la dureté des terrains. Le puits réhabilité est à nouveau disponible, mais sa productivité, confirmée par un essai de pompage en mai 2014, ne dépasse pas 15 m3/j.

b/ Puits P1 (dit  UNICEF)

Ce puits, situé à l’extérieur du périmètre mais en sa proximité immédiate, est relativement ancien. Au fil des années, son cuvelage s’est détérioré sous la poussée des argiles gonflantes, les déblais issus du cuvelage ayant entraîné le comblement de la zone de captage.

En avril 2014, le CERADS a entrepris, sous financement de la région Ile-de-France et Lions Clubs, des travaux de réhabilitation. Ceux-ci ont consisté en un curage des déblais et une réfection du cuvelage. Le puits a ainsi récupéré une hauteur d’eau suffisante (5.45 m), mais sa productivité, déterminée lors d’un essai final en mai 2014, plafonne à 12 m3/j.

3 – Les programmes en cours

3 . 1 :  Mobilisation de l’eau

Les puits P1 et P3, réhabilités, devraient être équipés de petites pompes solaires avant la fin de l’année 2014 par Electriciens sans Frontières, dans le cadre d’un partenariat ADOS – ESF. Le débit total disponible, limité comme on l’a vu par le potentiel des puits, devrait être de 27 m3/j, autorisant l’irrigation de 0.4 Ha en système goutte-à-goutte. Un complément de 6 à 23 m3/j devra cependant être recherché pour les périodes de pointe. Ce complément pourrait être fourni à nouveau par l’eau du forage, à condition qu’il reste sans impact sur la distribution prioritaire de l’eau potable, et que la dilution par l’eau des puits soit suffisante pour éviter les risques de colmatage dûs au fer.

Sinon, et de toute façon pour l’accroissement de la superficie irriguée, de nouvelles ressources en eau devront être trouvées.

Celles-ci pourraient provenir, soit d’un autre puits existant situé à proximité, soit d’un nouveau puits à créer (un peu plus profond pour augmenter, si la nappe le permet, son débit), soit d’un petit forage d’une soixantaine de mètres à créer.

3.2 – Irrigation

Compte tenu de la faiblesse des volumes d’eau disponible pour l’irrigation, le choix s’est très vite porté vers une pratique d’arrosage économe en eau, à savoir le « goutte à goutte ». Il s’agit toutefois d’une technique révolutionnaire quant à la pratique courante des agricultrices, ce qui exige un programme préalable de formation, dans la mesure du possible, assuré dans la langue pratiquée par ce public, localement le Pulaar.

3.3 – Formation des agricultrices

Le programme en cours, réalisé dans le cadre de la procédure ARAMIS (1) de la Région Ile de France, prévoit trois modules complémentaires de formation :

  • pratique de l’irrigation localisée,
  • conduite agronomique des cultures, avec l’appui de l’ANCAR, Agence nationale de conseil agricole et rural,
  • comptabilité et gestion.

 

(1) Aide régionale aux micro-projets de solidarité internationale